lundi 29 août 2011

Chronique #4 Trouver le juste milieu, l'équilibre et sa place...

 Vivre dans l'extrême Nord influence notre énergie...  Évidemment!  De façon négative ou positive selon chacun, mais, pour nous qui désirions tellement venir vivre ici, jusqu'à maintenant c'est très stimulant!  On ne peut pas rester indifférent devant tant de splendeur!  Ce n'est pas la richesse des lieux qui en fait sa beauté (notre maison est modeste, mais elle est confortable!), c'est la possibilité de vivre des moments tellement aux antipodes les uns des autres...

 Par exemple, aujourd'hui, nous sommes partis tous les cinq pour une randonnée en montagne.  Au départ, nous avons suivi le sentier fait par les Sallumiut (pluriel de Sallumi qui désigne les habitants de Salluit), puis arrivés à un certain point, nous avons simplement longé la côte, du haut de la montagne, afin d'apercevoir le détroit d'Hudson au loin.  Nous avons parcouru en tout peut-être 6 km (en montée ou en descente surtout), nous avons traversé une vallée glaciaire et pataugé dans le pergélisol bien détrempé! (Vive les bottes d'eau aux genoux et le chasse-moustiques!)   En rentrant, une bonne douche était de mise!  Ensuite, emmitouflés dans nos doudoux, nous avons visionné un film tous collés les uns aux autres sur le divan...  Une parfaite soirée cocooning!  Dans l'espace de quelques heures, passer de l'immensément grand au confinement de la maison.  C'est formidable!



Quand, la semaine, avec les enfants, nous travaillons dans nos livres, en cuisine ou à créer toutes sortes de projets d'art, nous nous enfermons dans notre bulle.  Nous évoluons les uns avec les autres, apprenant tous un peu les uns des autres.  Léa corrigeant et expliquant aux plus jeunes...  Elle en est bien fière!  Parce qu'on y va à notre rythme, personne ne se sent sous pression...  Comment se développer sainement sous le joug de la performance et de la compétition?

Ici, rien de tout ça!  Chaque chose arrive en son temps!  On profite des occasions d'apprendre, de savoir.  Bien sûr, les enfants savent qu'il "faut" passer de la matière et que dans le système de l'éducation, on applique le contenu d'un programme...  Comment en serait-il autrement quand vos parents sont tous les deux enseignants?  Cependant, aux vues de ces grandes lignes qu'il faut suivre, on apprend avant tout à suivre son propre tempo...   C'est par l'enfant et sa volonté d'apprendre, son désir de savoir et de comprendre qu'il finira par maîtriser ce qu'il doit.  L'acte d'apprendre vient de l'enfant, comme enseignante, je ne suis qu'un outil, un canal par lequel arrivent les savoirs (avec des suggestions, des propositions...)  Que j'impose quelque notion que ce soit, au bout du compte, c'est l'enfant qui aura ou n'aura pas fait ses apprentissages.

De travailler avec mes enfants me rend plus humble face à ma profession...  On a du pouvoir sur nous-même...  L'autre est régi par ses propres forces et mon rôle d'enseignante, aussi noble soit-il, est bien restreint!  C'est une question d'offres et de demandes! :)

Enfin, j'ai la chance d'avoir des enfants curieux, qui s'intéressent à ce qui les entoure (et aux jeux vidéos aussi...  ils sont de leur époque, quand même!)  Les inciter au travail est assez simple...  La semaine dernière, je leur demandais un premier texte pour l'année...  Rien de trop long, juste pour s'exprimer, un peu d'écriture "libre"... avec un thème imposé!  Ils devaient me parler de ce qu'ils avaient aimé depuis leur arrivée à Salluit.    Je retranscris les 3 textes qu'ils m'ont remis.  Vous pourrez lire par vous-même...

Mon activité préférée, par Amandine
Ce que j'ai aimé, c'est l'école.  Parce que j'apprends à écrire.  (C'est pas beau ça!? )

 Mon activité préférée, par Sacha
La tyrolienne, c'était amusant parce qu'on survolait la rivière, c'était comme voler.  Fin  (Un vrai aventurier...)

Mes activités préférées, par Léa
Moi, j'aime aller à la tanière, une grande roche cassée en trois morceaux avec un endroit pour aller cueillir les bleuets!
J' ai aussi aimé la pêche avec Noah.  Ce jour là, on a attrapé 13 ou 14 poissons (sushis!).
J'aime marcher dans la rivière derrière chez-moi.  J'aime passer du temps chez Noah et Maggie pour voir Pow-Wow (le chien), trop chou avec sa copine! 
Bye Bye
(Remarquez la volonté d'écrire plus, de faire différent des deux autres... ;))

Nous avons aussi fabriqué nos décorations pour le salon...  À la blague, on affirme que TECHNIQUEMENT, il s'agit d'oeuvres du Nunavik!  Voyez sur les photos, nos inuksuit avec un couché de
soleil à l'horizon.  C'est une technique de peinture à points (réalisée avec de la peinture acrylique et des cure-oreilles!) L'artiste qui nous à inspiré cette fois, est un aborigène d'Australie, il s'agit de Johnny Bulunbulun.  Comme lui, nous avons choisi d'illustrer un élément important de notre culture (d'adoption).  Il peignait les animaux au point d'eau, nous avons peint des inuksuit (pluriel d'inukshuk).  Ces hommes de pierres sont indissociables de la culture inuite.  Ils étaient des points de repère avertissant les chasseurs de la direction qu'avait pris le troupeau de caribous, des indicateurs pour les voyageurs afin qu'ils trouvent le campement le plus près.

Puisque nous avons trouvé notre village et que notre place est faite, nous y avons installé des inuksuit...

mardi 23 août 2011

Chronique #3 Le test de l'isolement...

Lundi matin, Mathieu reprenait l'avion pour Kuujjuaq.  Il est en formation à la commission scolaire Kativik.  Il s'était promis de photographier le cratère de Pingaluit en le survolant en avion...  C'est chose faite!  Vous pouvez le voir sur la photo...  Pendant que l'homme de la maison s'envolait vers le Sud relatif (!), le reste de la famille reprenait la petite routine qui s'est doucement installée depuis notre  arrivée à Salluit.


En effet, sans vraiment y avoir pensé, nous commençons nos journées toujours un peu de la même façon. D'abord, chacun des enfants se réveille à son heure... ( À l'exception de Mathieu, qui a besoin d'une stressante sonnerie de cadran-réveil?) Après le déjeuner, un peu de jeu ou de lecture et, vers 9:00, on s'installe autour de la table (qui est immense...) et chacun se met au travail!  Un peu de math, un peu de français...  Pour l'instant, ce sont les deux matières sur lesquelles se concentrent les enfants.  Bien sûr, l'anglais fait partie de notre quotidien...  Tous les jours, ils entendent parler les habitants du village en inuktitut (évidemment!) et en anglais.  Ils sont souvent interpellés en anglais par nos amis inuits qui veulent leur parler...  Pour entrer en contact avec les autres enfants du village (pas d'autres enfants blancs ici cette année), ils doivent tenter de les rejoindre "in the middle" , en "baragouinant" l'anglais pour partager leur jeu.  Je me dis que l'immersion reste encore  le meilleur moyen d'apprendre une langue!  Alors, je ne culpabilise pas de ne pas insister sur le "cahier" d'anglais! :) Je trouve qu'ils font des pas de géant depuis notre arrivée!  Déjà, qu'ils osent répondre et essaient de se faire comprendre, c'est très positif!  Une belle amélioration pour Sacha qui, d'habitude, fait les choses uniquement s'il sait qu'il sera performant...  La fin justifie les moyens...  ou est-ce la faim?
Après plus ou moins deux heures, on sert nos travaux et,  là...  tout peut arriver!   Depuis le 13 août, jour de notre installation ici, chaque journée amène son lot de surprises et d'imprévus!  L'improvisation...  N'est-ce pas ce qui donne du piquant à l'existence?!  Alors, nous suivons la vague, le vent et les courants qu'ils forment tous les deux...  Comme cette fabuleuse culture inuite et notre bagage de sudiste québécois qui se mêlent et s'entrecroisent pour nous faire vivre la plus grande des aventures à ce jour!
 
J'en viens maintenant au thème annoncée de cette chronique : l'isolement...
Nous sommes coupés du reste du monde ici...  Aucune route ne relie Salluit à quelque village que ce soit.  Pour venir jusqu'ici, il faut prendre l'avion ou le bateau (!), en hiver la motoneige peut parfois servir pour les  voyages entre les villages les plus près.  Sinon, on peut sortir du village pour visiter les lieux autours, mais essentiellement, on reste dans les environs de... Salluit.  L'idée m'est venue de parler d'isolement parce que depuis que nous habitons ce charmant endroit, notre téléphone a fonctionné 3 fois et en "grichant" allègrement!!!  Depuis, il indique que nous n'avons "pas de ligne"...  Alors voilà!  Impossible de parler à nos parents et amis!  Vive l'internet!  Ça demeure notre moyen de communication privilégié.  Un technicien viendra... Le 30 août nous a-t-on dit.  Espérons!  Il paraît que ça fait vivre...  ;)

L'isolement aussi parce que mon partenaire est de nouveau parti...  Je suis seule avec mes petits mousses!  La dernière fois que Mathieu est parti pour Kuujjuaq (il y a de cela 2 semaines), j'avais ma mère et tous les copains des enfants pour occuper et divertir ce beau monde...  Cette fois, c'est LE TEST.  Je suis seule pour organiser, amuser et prendre soin de mes enfants.  J'ai réalisé que ce serait la première fois que je serai l'unique "référence" pour eux.  (Court moment de panique!)  Puis, en observant les gens vivre ici, je me suis dit que je n'étais pas seule...  L'entraide est partout.  Les adultes s'intéressent et s'occupent de tous les enfants...
Sans blague, même au 62e parallèle, je ne me sens pas esseulée.  Je dirais qu'au contraire, le mode de vie, ici, nous fait être près les uns des autres... 
Ce qui me fait croire que nous passons le test...  :)



dimanche 21 août 2011

Chronique #2 L'école est commencée!

Mathieu a recommencé l'école mercredi le 17 août.
La plus vieille de mes filles, Léa, m'a dit tout simplement :" Je vais faire un peu de math et de français, je pense..." " Bon, bien, vas-y ma belle...", quand c'est aussi simple, pourquoi ne pas en profiter!!!  Le même matin, nous avons sorti nos crayons, nos cahiers et... hop!  Nous voilà repartis pour une autre année!  Léa termine son primaire, Sacha entame sa 3e année et la cadette, Amandine, débute la 1ere année.  Elle me simplifie beaucoup la vie cette petite...  L'objectif de la 1ere année, c'est d'apprendre à lire aux enfants...  Elle s'est appris ça toute seule!  À vouloir suivre les plus vieux, elle s'est débrouillée!  Alors, on fonctionne comme l'an dernier : chacun ses affaires, maman tourne autour pour superviser, guider un peu et expliquer si questions il y a...
Plus j'observe mes enfants, plus je suis persuadée qu'ils apprennent 100 fois mieux poussés par l'intérêt et la curiosité, alors, je propose toutes sortes de stimulants...  Les cahiers d'écriture libre (que je regarde en cachette!!!), les lettres aux amis, à Mamie restée au Sud...  Les messages par courriels...  Même ce blog, c'est un prétexte pour les accrocher! ;)
On compte avec des macaronis et des bonbons...  On fait des fractions en mesurant pour faire des recettes...  Bref, on vit...
Honnêtement, juste en vieillissant, les enfants absorbent des savoir-faire ET des connaissances.  Oui, oui, vous avez bien lu...  Des CONNAISSANCES, c'est essentiel pour agir!  Il faut d'abord SAVOIR...
La plus vieille m'impressionne beaucoup, depuis mai que nos vacances sont commencées et elle reprend avec, me semble-t-il, plus d'aplomb et de réflexion que jamais.  J'en suis heureuse!  
Je compte faire beaucoup d'art cet année, comme l'an passé d'ailleurs...  Ce matin, (samedi, mais les jours n'ont pas d'importance...  On apprend tout le temps...) Nous avons fait un premier projet.  Inspirés par notre récente sortie à la pêche avec notre ami Noah, nous avons choisi de créer un fond marin à la manière de Paul Klee, avec des pastels gras et de l'aquarelle.  Ils pourront décorer leur repaire, leur seule et unique chambre!!!  Je vous présente des photos de la séance de création...
Un beau petit matin en famille! :)







samedi 20 août 2011

Chronique #1: Arrivée, installation, attente et plein-air.

Le village de Salluit, au Nunavik, est probablement parmi les plus beaux endroits que nous ayons visités.  Assis au creux d'une vallée qui fait face à un fjord menant au détroit d'Hudson, le village semble encerclé de montagnes.  L'absence de tout repère de distance autre que les poteaux électriques nous empêche de prendre conscience de l'étendue du paysage.  Ce qui paraît relativement près peut très bien être en réalité à plusieurs minutes de marche. Ceci est particulièrement vrai en montagne.  Peu importe le flanc de colline choisi, le sommet en semble toujours plus près qu'en réalité.

Une fois toute la famille réunie, nous nous sommes affairés à organiser la maison de façon à ce que nous puissions croire que nous y avions toujours vécu.  Pas question de fouiller dans les bacs ou les boîtes pendant toute l'année.  C'était un gros coup à donner, mais dès notre première soirée, l'ensemble du contenu des boîtes que nous avions reçues était rangéNous nous pensions parfaitement installés quand les petits manques et oublis se sont manifestés: nous avons la télévision et des films, mais pas de lecteur encore; nous avons des téléphones, mais pas de ligne téléphonique; Mathieu attendais désespérément le reste de ses vêtements tout comme Amandine qui espérait recevoir des sous-vêtements supplémentaires...  Cette attente a duré près d'une semaine.  Alors, le salon et la cuisine ont de nouveau été envahis par des bacs et des boîtes et nous avons encore une fois tout rangé pour que rien ne paraisse.  Maintenant ça y est.  Nous sommes installés.

Puisque l'hiver arrive pour tout le monde dans l'hémisphère Nord au jour du solstice, mais qu'ici la neige peut se manifester dès la fin de septembre, nous tâchons de profiter de l'extérieur au maximum.  Nous habitons au bord de la rivière qui coule au pied de la montagne.  Tous les jours nous enfilons nos bottes afin d'aller "flacotter" dans l'eau peu profonde (malgré tout, Sacha a tout de même trouver l'endroit où l'eau pouvait s'infiltrer à l'intérieur de ses bottes aujourd'hui, hi! hi!)Nous prenons le temps d'observer le paysage qui s'offre à nous.  Les enfants veulent toujours monter, toujours plus haut.  Quelques fois, il faut leur rappeler les consignes de sécurité élémentaires.  L'immensité les rend immensément heureux.  

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas atteint le sommet de la-dite montagne.  Pour les observateurs, nous devons avoir l'air de ceux qui se préparent à affronter le sommet de l'Everest: chaque jour nous montons un peu plus haut que la veille, comme si nous devions habituer nos corps à l'altitude et à la rareté de l'oxygène.  

Cette semaine, nous sommes allés à la pêche avec notre ami.  C'est le temps d'aller ramasser le plus possible de poissons (de l'omble de l'Arctique) avant qu'ils ne se fassent plus rares.  Nous sommes donc partis, avant la marée haute, installer les filets.  Les enfants sont descendus sur la grève et ont pu observer des moules et autres mollusques qui peuplent le fond du fjord Sugluk.  Puis l'eau s'est mise à monter et les poissons se sont manifestés dans les filets.  Nous avons pu assister à cette activité dans un site d'une beauté sauvage et majestueuse grâce à la générosité de cet ami exceptionnel.  Sur le chemin du retour, nous avons côtoyé au moins un phoque.  J'ai été surpris de voir notre conducteur passer par-dessus une occasion de chasser l'animal.





Aujourd'hui, les enfants ont eu l'occasion de faire la traversée de la rivière au moyen d'une tyrolienne. Cette activité était organisée par des gens qui font le tour des 14 communautés du Nunavik et qui passent une semaine à occuper les jeunes par des randonnées de vélo, du kayak, du skateboard et la fameuse tyrolienne.  Léa et Amandine ont pu franchir la rivière en tandem alors que Sacha l'a fait seul.  Tous étaient très fiers de leur exploit.

Pour le moment, le temps n'a pas d'emprise sur nous.  Nous vivons le moment et en tirons le maximum de satisfaction.  Bien sûr, il faut s'ajuster à une nouvelle réalité: les amis sont moins présents qu'au Sud.  La distance et l'éloignement jettent une ombre passagère sur l'humeur des enfants.  Mais règle générale tous s'adaptent assez bien.  J'ai même entendu dire que l'an prochain, la tyrolienne serait de retour et qu'on pourrait y participer encore une fois.  Comme quoi une fois rendus, on trouve toujours son chez-soi et on y est bien.