dimanche 15 avril 2012

Chronique #34 Home alone (Maman est partie en avion)

Amandine montée sur "l'iceberg" - Photo prise par une collègue, Jacinthe.
Vous avez peut-être remarqué un ralentissement dans la fréquence des publications de cette chronique. La raison est facile à trouver: Annie a dû partir au Sud pour un traitement de canal. Ce service n'était pas offert à la clinique de Salluit. Alors, pour combler un trou dans sa molaire inférieure droite et mettre un terme à une infection lancinante, nous avons conjointement convenu qu'il valait mieux qu'elle subisse le traitement nécessaire le plus tôt possible. Après un appel au bureau de notre dentiste et un courriel à mon employeur, le voyage de Pâques d'Annie était organisé. C'est donc à moi qu'incombe la tâche de relater les événements qui se sont produits pendant ces huit jours.

Les deux jours avant le départ ont été difficiles pour Amandine. Elle appréhendait la séparation et cherchait très souvent à être rassurée. Sacha, qui suivait à moitié la situation, absorbé qu'il était par ses diverses activités, avait mélangé des bouts de conversation pour se bâtir une représentation personnelle de la chose. Il avait cru entendre que ses soeurs et lui allaient rejoindre Annie à Joliette un peu plus tard. J'ai dû remettre les pendules à l'heure et expliquer que son retour à sa maison bleue ne se ferait qu'au mois de juin. Sa déception était moins grande que ce à quoi je m'attendais, ce qui en soi est plutôt une bonne chose.

Arrivée au trou d'uvviluk pour pêcher les moules
Le défi de ces huit journées était de concilier famille et travail. Heureusement, elles concordaient avec le long congé pascal. Je n'allais être absent que deux jours. Là-dessus, j'ai pris un après-midi de maladie et l'école à dû fermer parce que les réservoirs d'eaux usées n'avaient pas été vidés. J'avais convenu d'appeler à la maison pendant mes périodes de travail personnel, question d'assurer une présence morale. C'est Léa qui assumait les fonctions de chef de famille en mon absence. Dans les faits, il n'y avait pas grand chose à craindre. Ils sont vraiment autonomes. Ils s'inventent des jeux, se construisent des cabanes avec les causeuses et leurs couvertures, regardent un film ou s'amusent avec leurs jeux vidéos.

Conciliation travail famille donc. Avouons-le, je ne me suis pas souvent occupé de la planification hebdomadaire des repas. La tâche revenait le plus souvent à Annie. Le hic était de considérer que je n'avais pas le temps de préparer un repas et de manger pendant ma période de diner. Il fallait donc penser à préparer un souper en plus grande quantité et s'attendre à manger des restants le lendemain. "Qui veut du pâté chinois?" Tous, bien sûr, mais un enfant ne veut pas de maïs en grains. Un autre ne veut pas de tomate dans son club sandwich tandis qu'un autre ne veut pas de bacon. Quel casse-tête! Il me semble que depuis quelques temps, ils font plus de chichis sur la nourriture. Sauf sur les fruits et le dessert. Là, c'est unanime.

Sacha qui essaie sa moule crue.
Vendredi saint, journée de repos. Je me suis blessé au pied il y a un mois, possiblement une déchirure ligamentaire à la base de l'index du pied gauche (comment appelle-t-on cet orteil?). Depuis 2 semaines, je me balade en béquilles et je "loue" la motoneige d'une collègue pour me rendre de la maison à l'école (la mienne est hors d'usage...). J'ai reçu une prescription d'anti inflammatoires. Tout ceci pour dire que j'essaie le pied le moins longtemps possible en contact avec le sol en ce beau vendredi. On mange, on fait la vaisselle, on regarde la télé, on joue de la musique et on regarde passer les machines. La paix.

Samedi saint. Préparation des plats que nous allons apporter au brunch de Pâques organisé par la même collègue qui me prête sa motoneige. Pendant que je fais un pain et un pain aux bananes, d'autres s'en vont en excursion jusqu'à Deception Bay. Nous allons faire un tour dehors, mais c'est tout de même frustrant de penser que je pourrais aller avec les enfants au sommet de "notre" montagne en temps normal. Mon pied va mieux, j'ai fini les pilules, mais ce n'est pas encore le moment de faire le fou. Une autre journée tranquille qui se termine par la traditionnelle soirée cinéma et son pop corn.

Au tour de Léa.
Dimanche de Pâques. On se met beaux pour le brunch (pour les enfants, ça veut dire mettre du "vrai" linge plutôt que leur pyjama ou leurs déguisements), on emporte la nourriture et on se rend au lieu désigné. Nous sommes une petite vingtaine à déguster ce que chacun a apporté. Puis vient le moment que j'attendais. On organise une expédition aux moules. L'idée avait été lancée le jeudi avec la promesse de revoir les plans au brunch. Je n'en avais glissé mot aux enfants au cas où des facteurs extérieurs nous en auraient empêché.

Nous répartissons les participants sur six motoneiges et deux qamutiks puis allons nous préparer pour l'expédition. Les enfants sont impatients. Nous avons trois heures à tuer avant le départ. On ne peut aller aux moules qu'à marée basse. Cette journée-là, la marée est à son hypogée à 17h30. Le rendez-vous aura lieu à 16h.

Amandine faisant preuve d'incertitude devant l'épreuve.
Au moment dit, catastrophe! Nous ne pouvons arrimer un des qamutiks et devrons revoir le planning. Heureusement, tout est arrangé et personne n'est laissé derrière.

L'endroit de prédilection pour les moules est une polynie dans le fjord Sugluk - la baie qui fait face à Salluit. La configuration des courants à cet endroit précis empêche la glace de s'y former, et la faible profondeur de l'eau fait en sorte qu'au moment de notre arrivée il n'y a que quelques centimètres d'eau qui couvrent le fond du fjord.

Bonne à en lécher la coquille!
Une fois descendu au fond du trou d'uvviluk (techniquement, je crois que l'on devrait dire "uvviluit" au pluriel, mais *when in Rome*...), les enfants se lancent à corps perdu dans la cueillette des moules (pour autant que l'on puisse "cueillir" des moules) et bientôt nous en avons près de 5 kilos. Le tout agrémenté de photos baignées de soleil de fin d'après-midi, d'une dégustation de moules crues et d'algues. Une belle petite randonnée en motoneige, un tour de qamutik pour les enfants, une expérience visuelle et gustative nouvelle. Une journée bien remplie.

Au souper... des moules. C'est la première fois que je prépare ce mets moi-même. Je m'informe à gauche et à droite sur la façon de nettoyer les moules avant de les cuire, je sollicite mes amis Facebook pour leurs recettes, troque du vin pour de la crème. À 20h, nous sommes (affamés) et prêts à faire honneur à notre récolte. Amandine préfère du riz chinois, mais Léa et Sacha ont bien aimé les moules cuites (alors que crues, on repassera, semble-t-il), mais nature. Pas question pour eux des les prendre en sauce. De notre pêche miraculeuse, j'ai gardé l'équivalent d'une demi-livre de moules que j'ai congelées pour qu'Annie puisse aussi en profiter. Pas de gaspillage. (Note de dernière minute - avant de mettre mon récit en ligne, Annie m'a confié qu'elle passerait probablement son tour pour les moules...)

L'aspect général de la polynie à marée basse.
Lundi de Pâques. Pendant notre sortie aux moules, je n'ai pas pris les béquilles. Je sais que je ne suis pas rétabli à 100%, mais c'était beaucoup moins douloureux en soirée que lors des deux semaines où j'étais blessé mais pas assez selon le nursing pour mériter des médicaments ou des béquilles. Fort de cette constatation, je propose aux enfants d'aller glisser sur "notre" montagne. Nous enfourchons nos crazy carpets sur une pente qui a été classée extrême par le coccyx de Sacha. Deux descentes ont suffi pour achever de me déplacer les vertèbres lombaires qui avaient été épargnées par la randonnée en motoneige de la veille.

Pour mettre en contexte ce qui s'en est suivi, je dois vous informer de ceci. Depuis samedi, les enfants sont facilement à cran. Les disputes sont plus fréquentes, la mauvaise humeur les gagne plus facilement. Amandine est toujours à un cheveu de passer du côté obscur de la Force.

Mardi après-midi: à l'assaut de "l'autre" montagne.
Après la deuxième glissade, ce n'était plus Sacha qui parlait. Son coccyx avait pris possession de tout son être. C'était ma faute s'il avait fait un saut sur la piste en glissant, c'est ça, ne m'attends pas pour remonter la pente. Bon, répliquai-je, eh bien puisque c'est comme ça on rentre tous à la maison. Les causeuses ne font pas mal au coccyx, elles.

En rentrant, Léa avait choisi de ramener - sans que je le sache - une pierre de 3 kilos. En traversant la patinoire de la rivière, elle glisse à vingt pas derrière moi. C'est ma faute! Hou la! C'est moi qui menace de remettre ma démission au Conseil de Jedi. Et juste pour me faire mentir, il n'y a qu'Amandine qui est parfaitement de bonne humeur! Rassurez-vous, nous nous sommes expliqués (j'ai parlé, ils ont écouté) et la journée s'est bien terminée).

La découverte qui nous a tant fait nous questionner.
Mardi et le retour au travail. C'est le même arrangement que le jeudi précédent. J'appelle à la maison pendant ma période de travail personnel. Tout est sous contrôle. Après diner, je vais acheter de l'essence pour la motoneige avec Sacha. Quand les achats sont terminés, je retourne à l'école pour n'y trouver que le personnel. Pas d'élèves courant dans les corridors. Ikusik totalement silencieuse. J'apprends que le directeur a fermé l'école car les réservoirs d’égouts sont pleins, ce qui coupe l'eau dans toute l'école. Certains enseignants sont repartis chez-eux. J'avais déjà planifié mes cours de maths de l'après-midi avant de quitter pour le diner. Je n'ai rien à faire à l'école et il fait un temps radieux dehors. je décide à mon tour de quitter afin d'aller avec les enfants au sommet de "l'autre" montagne, celle du côté opposé à la nôtre. Bien sûr, les enfants sont enchantés de l'opportunité. D'autant plus qu'ils auront la chance - rare depuis le retour des fêtes - de faire un tour de motoneige.

Une fois rendus au sommet, ils partent tous les trois à la conquête de la crête de la montagne afin d'avoir la plus belle vue qu'il soit possible d'avoir du village. Comme on ne nous a pas livré d'eau depuis 4 jours, j'ai l'idée de les mettre au défi de me pointer les camions d'eau qui circulent dans le village. Nous en avons vu 2 en fonction, mais jamais près de notre maison.

Perdus dans l'immensité... à trois minutes du village!
Au moment de changer de poste d'observation, Sacha nous fait remarquer des lambeaux de fourrure. Tiens, des os! Regardez: un crâne! Est-ce un chien ou un loup? Tout est possible, vous savez, et c'est difficile à dire. Il y a longtemps que je n'ai dépecé un chien ou un loup... Non, un renard ce serait plus petit que ça. Les dents sont trop grosses pour un renard. Un loup ou un chien. Il faudrait vérifier. Allez, on le prend en photo. Zou! On va voir uvviluk.

Et nous changeons de lieu d'observation, traversons une petite plaine glaciaire pour nous retrouver sur une autre piton rocheux d'où nous pouvons perdre notre regard dans l'immensité au-delà de la polynie. Sacha remarque que la roche fait un drôle de son quand il la frappe comme un tambour. Un son caverneux. Vas-y, Sacha, je te filme. Eh, les enfants, et si on allait là-bas? Non, vous avez raison, et puis je commence à avoir le pied un peu fatigué. Rendez-vous à la motoneige.




Nous étions de retour à la maison une heure après être partis, la tête remplie d'images et de questions. Vérifications faites à partir d'une impressionnante bibliothèque d'images (Google), il s'agissait d'un crâne de chien. Mais Papa, qu'est-ce qui lui a fait ça? Bah! Je sais pas: un loup, des loups, d'autres chiens... Va savoir.

Il ne nous restait plus qu'à attendre le retour d'Annie, le lendemain soir, pour nous sentir complets à nouveau, enfin.
Les enfants dans le qamutik - Photo prise par une collègue, Marie-Josée.

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