mercredi 28 septembre 2011

Chronique # 12 : T'ennuies-tu?

L'ennui vient du fait de ne pas faire ce qu'on veut, ce qu'on aime, ce qui nous ressource et nous comble de joie...

Ce sont les choses simples : lire, cuisiner, jouer, inventer, rire, rêver, découvrir, aimer, contempler, expérimenter, grandir, écrire... qui font notre bonheur dans la vie.


C'est plutôt à Joliette que je m'ennuyais!  Je ne pouvais pas faire exactement ce que je souhaitais, j'avais des contraintes d'horaire, des obligations à l'extérieur de chez-moi, mille et une distractions de l'essentiel.  Il était plus que temps pour moi de revenir à une façon de vivre plus lente, plus simple.

Mathieu, puisqu'il continue d'enseigner à Salluit, n'a pas tout à fait la même impression que moi.  Évidemment, il doit suivre l'horaire de l'école, mais en dehors de son travail, le soir, il n'a pas d'autres choix que de ralentir la cadence lui aussi!  C'est tout un ajustement à faire pour un gars actif comme lui!  Ça l'oblige à se demander ce qu'il veut faire...  Ralentir, ça nous fait réfléchir sur ce qui nous anime, ce qui est vraiment nourrissant, ce qui revêt une importance primordiale dans notre vie.

Pour ce qui est des enfants, je dois avouer que je me suis questionnée à leur sujet...  Mon opinion est arrêtée maintenant, parce que j'ai eu l'occasion de discuter avec eux, de les écouter parler de leur vie ici, de leurs souvenirs du Sud...  Je sais qu'ils sont heureux d'être ici.  Cette semaine (alors que nous étions tous les quatre à jouer  dehors, près de la rivière) Sacha a dit, et je le cite, "En quelque sorte, c'est plus amusant ici que chez-nous à Joliette...".  Ce soir, Léa a mentionné qu'ici c'était "notre deuxième chez-nous finalement..."  Et Amandine a répliqué qu'on était chanceux, parce qu'on avait une maison et un chalet...  L'histoire ne dit pas si c'est "la maison bleue" de Joliette ou notre maison de Salluit qui est "le chalet"!  Je n'ai pas osé demander laquelle était considérée comme "le chalet", j'étais trop occupée à rire! 

Pourquoi est-ce que le lieu où l'on se trouve devrait faire en sorte qu'on se sent chez-soi ou non?  Ça fait déjà quelques temps que je le pense, mais à présent, je le SAIS...  D'abord, c'est en soi qu'il faut se sentir chez-soi...  Ensuite, les gens avec qui on partage le quotidien sont, en quelque sorte, notre chez-nous...  Je dis souvent à mon homme que ma maison, c'est lui...  C'est vrai pour moi...

Le matin, nous sommes ensemble, à la table, pour s'aider pendant le travail scolaire, après quoi je prépare le repas du midi avec un de mes petits marmitons pour m'aider.  Mathieu vient nous rejoindre pour dîner et nous avons la chance de nous voir et de nous raconter nos avant-midis respectifs.  En après-midi, chacun s'occupe selon son goût.  Cependant, ils doivent  faire de la lecture à voix haute,  presque tous les jours, de façon plutôt décontractée, au moment qui leur convient. (C'est pour moi... parce que ça me rassure sur l'évolution de l'aisance et de la fluidité de mes petits cocos, c'est ma collègue et amie, Josée, qui serait fière de moi! ;))  Les jeux se multiplient et s'organisent à différents rythmes.  Parfois à vive allure, avec de l'électricité dans l'air, d'autres fois dans une atmosphère paisible...  Pas une journée, bien qu'elles se passent dans le même espace, n'est comme la précédente.  Les enfants sont remarquables par leur capacité à se réinventer, à imaginer des versions différentes de la même idée de jeu.  La folie de la construction à repris de plus belle avec l'arrivée d'une boîte pleine de pailles et de connecteurs qui vient augmenter de façon considérable la collection que  possédaient déjà les enfants ...(Merci Valérie!)  Euphorie!  Ils ont passé tout leur temps libre sur la construction aujourd'hui!!!  J'ai maintenant une ébauche de cathédrale dans mon salon et même Mathieu s'est mis de la partie ce soir, pour aider les enfants à construire l'arche de la porte d'entrée.


La seule mention de manque qui revient de temps en temps est à propos de nos deux chats, Jack et Tom, restés avec Mamie, au Sud.  Ils reviendront peut-être avec nous, après Noël...  Pour l'instant, nous jetons notre dévolu sur les nombreux chiens qui vivent en liberté dans la village.    Il y a bien sûr, PowWow, le chien de nos amis Maggie et Noah.  Il est affectueux et il aime bien nous suivre pour une petite balade en montagne ou dans le village.  Hier, pendant notre sortie quotidienne à l'extérieur, un charmant toutou est venu jouer avec nous.  Je ne saurais vous dire qui, des enfants ou du chien, était le plus heureux?!  Ils l'ont spontanément surnommé Doudou (Mathieu et moi lui trouvions l'allure de Doug, le chien bonasse du film Là-Haut! (UP!) de Disney) et ils ont partagé leurs jeux avec lui pendant tout le temps que nous avons passé dehors.  Ce fut une déception momentanée, à l'heure de rentrer, de devoir laisser "le pauvre petit chien-tout-seul-au froid"...  Heureusement, Mathieu est plus solide que moi quand vient le temps des discussions concernant les animaux!  Le "pauvre petit chien-tout-seul-au froid" est resté dehors!  Il va certainement revenir les divertir d'ici quelques jours! Ça les aidera à passer le temps avant de revoir leurs gentils matous...

Bien sûr, on parle souvent des parents et amis  qu'on ne peut pas voir en ce moment, on se remémore de bons souvenirs, on s'imagine des activités qu'on espère faire avec eux lorsque nous serons de passage au Sud, mais pas une seule fois je n'ai  eu à consoler une peine ou à réconforter un chagrin de ne pas "avoir" leurs amis pour jouer.  Il y a le téléphone, les courriels, le courrier traditionnel...  Les moyens nous permettant de rester en contact sont tellement nombreux et faciles d'accès.  Dès que le désir de discuter avec un ami ou l'envie d'entendre la voix de Mamie se fait sentir, on satisfait notre besoin grâce à l'un ou l'autre de ces moyens de communication.  C'est simple... Si on veut que ce soit simple... :)  Et puis, on est cinq!  Ça fait pas mal de monde pour s'occuper!!!


Je l'ai déjà mentionné, mais je le redis...  Le temps ici est un concept différent que ce que l'on connaît au Sud.  Les gens ont appris à ne pas donner trop de détails sur le temps que prennent les choses pour se concrétiser.  Il y a trop de variables qui peuvent changer le cours des événements.  Le temps est devenu "obsolète" pour le peuple inuit.  Peu de gens s'en soucient.  Alors pour vivre ZEN au Nunavik, il faut s'adapter à cette notion, sinon, on peut vivre bien des frustrations et interpréter de travers leur façon de composer avec le temps.  La température peut influencer l'arrivée d'un avion, d'un bateau...  Il faut l'attendre, on le prendra quand il pourra être là.  Ce que nous pourrions voir comme de la négligence  est en fait  de la résignation. de la patience de leur part.  On doit suivre la nature.. Pas d'autres choix!

Ils n'ont pas besoin de se dépêcher pour arriver au travail, il n'y a pas d'heure de pointe  au village!!!  On marche, on prend une mobylette, un quatre-roues ou un camion pour se rendre là où l'on est attendu.  Pas de rage au volant, pas d'embouteillage...  C'est le gros bon sens que de prendre le temps de vivre!   Pourquoi devraient-ils s'agiter comme des fous?  On vit tous les uns à côté des autres, il y a deux magasins généraux, un "nursing", un aréna, un aéroport, deux écoles, une garderie...  Plus ou moins 1400 habitants...  Environs 20 KM de route pavée... Des montagnes et un fjord époustouflants!  Rien ne sert de courir!!!

Mes journées comme maman au  foyer en charge d'éduquer mes enfants à la maison me comblent de bonheur.   Mon esprit et mes dix doigts sont sollicités en permanence.  Entre le temps consacré à mes enfants, à l'organisation de la maison (la routine des -age...  ménage,  lavage...), à la préparation des repas, au temps pour écrire ce blog et aux  moments pour moi (à lire ou à bricoler pour me ressourcer un peu), je ne trouve pas de temps "mort" qui m'amènent à m'ennuyer.  Je suis ici avec l'homme de ma vie et  nos trois amours...  Nous sommes complets!


Je me lève tous les matins en me disant que je suis vraiment privilégiée de pouvoir vivre des moments si purs et je suis reconnaissante d'avoir l'opportunité de partager mon expérience avec des gens que j'aime.

Alors, à la question qui nous est posée : "t'ennuies-tu?", je répondrai : "non", on a pas,  ni le temps, ni l'envie de gâcher notre séjour dans le Nord avec de l'ennui!  C'est une expérience unique et formidable que nous avons l'occasion de vivre...  Combien de personnes ont la chance de voir l'Arctique et de marcher dans la toundra?  Bien peu de gens!!!  Nous sommes extrêmement choyés!  Et si, à un moment durant notre vie au Nord, l'ennui cogne à ma porte, je n'hésiterai pas et je prendrai l'exemple sur mon homme, je dirai : "Dehors le pauvre-sentiment-vain-et-inutile-qui-veut-saboter-mon-existence!"  Et je tâcherai de me souvenir de la valeur extraordinaire qu'a pris le sens de nos vies depuis que nous habitons à Salluit...   :)

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